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Perle Philo. #1 : obéir à l'autorité

Dernière mise à jour : 18 nov. 2020




Pour trouver les sens des maux, cherchez peut-être l’essence des mots.

« Obéir » et « Autorité » sont tous deux d’origine latine.

« Obéir » vient de « Oboedire » qui signifie « écouter, prêter l’oreille à ».

« Autorité » est formé à partir de « auctor » et de « itas » :

« Auctor » signifie « l’auteur, celui qui pousse à agir » dans le sens du conseiller, de l’instigateur, du créateur, du modèle ou du maître, soit celui qui fait croître en augmentant la confiance.

« Itas » suffixe initialement créé à partir de la racine « spir » signifie « le souffle ».

Dans son acception originelle, « obéir à l’autorité » s’entend donc comme « prêter l’oreille au souffle de l’auteur ».


Il s’impose que le sens pris dans l’usage par les mots « obéir » et « autorité » souffrent de bien des maux. Le premier d’entre eux est que le verbe « obéir », dans l’usage commun, est compris comme l’action qui consiste à agir de manière conforme à ce qui est demandé, sous-tendant une contrainte qu’on s’imposerait à soi-même. Force est de constater que le sens originel d’« obéir » ne comprend ni contrainte, ni action ; il ne fait qu’exprimer l’inclinaison d’un individu à écouter ce qu’un autre a à lui dire.


De la même manière, l’étymologie pointe le mal inhérent à l’utilisation contemporaine du mot « autorité ». En effet, dans son acception commune, l’autorité s’impose de fait, comme une évidence, n’autorisant à poser que les seules questions se rapportant à ses moyens d’exercice et de maintien. Dans cette perspective, étudier le concept d’autorité revient à s’intéresser exclusivement aux mécanismes de la sujétion, au fonctionnement du rapport entre le commandement et l'obéissance. Le mot « autorité » s’est ainsi transformé pour devenir « ce par quoi le pouvoir s'impose », ce qui produit la soumission sans recours à la contrainte physique. Autrement dit, « autorité » et « pouvoir » sont désormais des quasi-synonymes. Pourtant, à sa racine, l’autorité n’est pas le pouvoir. Elle s’en distingue nettement par le fait qu’elle a une origine, qu’elle s’appuie sur une légitimité : elle émane de « l’auteur », elle est son souffle.


Ayant décrit les maux des mots, l’amoureux de la sagesse s’arrêtera sur la seule et vraie question philosophique qui se pose : quel peut bien être l’auteur qui souffle à celui qui prête l’oreille ? S’agit-il de l’individu qui, par son charisme, inspire aux autres croyance, respect ou crainte et parvient ainsi à influencer leur jugement, leur volonté ou encore leur sentiment ? S’agit-il du représentant désigné d’un pouvoir politique qui s’appuie sur les lois, qu’elles soient de Dieu ou des hommes ? Pour le déterminer, l’amoureux de la sagesse tournera son regard vers le lien qui unit l’auteur à celui qui lui prête oreille. Il s’intéressera à la situation de supériorité de celui qui souffle et à la situation d’infériorité de celui qui s’expose à ce souffle. Il examinera la relation asymétrique qui en découle de fait.


Erich Fromm, sociologue et psychanalyste, affirme qu’on peut opposer deux types de relations asymétriques empiriquement susceptibles de degrés multiples dans leurs combinaisons :

- la relation maître-esclave dans laquelle le maître n'a pour but que de maintenir l’inégalité qui lui procure du pouvoir sur « sa chose » ;

- la relation maître-élève, dans laquelle le maître a pour but de détruire l'inégalité en se faisant égaler, voire dépasser par l'élève.

Comme on le voit, le premier type de relation a vocation à entretenir voire développer l’emprise de l’auteur sur celui qui l’écoute. Le second type de relation a, au contraire, comme finalité d’aider celui qui écoute à croître pour atteindre le niveau de maître.


L’origine du mot « auteur » - soit celui qui fait progresser en augmentant la confiance - établit que l’autorité n’est légitime que si la relation asymétrique entretenue par l’auteur avec celui qui lui prête oreille est de nature positive et constructive, ayant l’émancipation pour seul horizon. L’auteur légitime est donc celui qui s’inscrit dans la relation maître-élève, celui qui crée les conditions propices pour aider son prochain à devenir son égal et, de facto, à accéder à l’autonomie. Affranchi de sa dépendance à un maître extérieur, celui qui fut élève deviendra son propre maître, entretenant et développant un lien d’une nature nouvelle, le lien qui l’unit à un maître intérieur.


L’essence de l’expression « Obéir à l’autorité » nous interroge sur nos aspirations profondes et notre rapport au maître. Est-ce que je souhaite croitre pour atteindre l’autonomie ? Ou bien est-ce que je préfère rester sous le joug d’un maître qui me rend esclave ? Ainsi, chacun choisira l’auteur auquel il prête l’oreille selon la hauteur à laquelle il hisse pavillon…

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